Mon Amérique

à moi

Mon Amérique à moi mesure 1817 miles et 10 jours. Il y pleut la moitié du temps. Le reste est un miracle de lumière et d’azur.
Elle n’est pas tres peuplée et surtout de serveurs / serveuses gais et attentifs qui ne se lassent pas de nous noyer sous un océan de café.
D’ailleurs, parlons en de l’océan, justement. Qu’il soit bleu, de plomb ou d’or, ses franges d’écumes neigeuses caressent inlassablement cette côte interminable qui s’étire, docilement, entre San Francisco, la douce amie qui pleure, et LA, la femme fatale qui brûle.
Cet ocean, pour quoi serait-il différent de tous les autres ? D’où nous vient, en plongeant notre regard en son sein, ce sentiment nouveau ? Au bout de lui, quelque part, sans doute, quelqu’ île sauvage et douce nous appelle … Un reste de Paradis terrestre qui nous fait de l’œil ? Ce vertige de l’immensité et de l’infini. De l’éternel recommencement. Bref, pas si fique que cela, cet océan se rappelle à notre vigilence et ne se laisse pas approcher si facilement. Quelqu’endroit secret se dérobe à nos désirs - Il faudra revenir …



Les arbres de mon amérique sont merveilleusement feuillus. Merveilleusement, dis-je, car ils perdent à peine leurs feuilles. Certains , même, ne les perdent pas du tout ! Pas les palmiers, non, d’eux, on s’y attend ; Non, il s’agit de toutes sorte d’arbres, des chênes verts aux frondaisons sensuelles, des cyprès torturés en suppliques, des Josuah Tree à la silhouette austère, des orangers rangés comme à la parade et tous ceux, étrangers, dont le nom m’est inconnu mais dont mon œil ne se lasse pas de rappeler l’aspect. Tout cela contribue à donner à mon Amérique, un je ne sais quoi de rassurant, de familier, de domestique . Un je ne sais quoi qui permet au regard de frétiller en permanence. De se reposer de l’âpre désert désséché et glacé.

Mon Amérique à moi est une Amérique extrême qui ne contient que des villes immenses et tentaculaires ou d’humbles hameaux, plus proches de l’erreur urbanistique que du village. Point de doigt divin dans leur érection. Le hasard lié à la necessité ? Quelques rares batisses jetées à la va comme j’te pousse le long d’une artère vitale (dans ce pays perdu, toutes les artères le sont !). Leur rareté leur vaut de figurer sur les cartes… On a les honneurs qu’on peut … ou qu’on mérite car, dans ces déserts inhospitaliers, un panneau " piéton " signifie essence et eau – la vie, donc ………

Mon Amérique à moi est généreuse et gaie. Elle a la bienveillance d’une femme bien nourrie (essentiellement de pancakes au sirop d’érable). Ses flancs arrondis sont recouverts d’une toison vert émeraude dont la douceur appelle au repos. Elle a quelque chose d’une mère juive. Elle nous surveille du coin de l’œil. Sous ses dehors laxistes, elle ne laisse rien passer : no smoking, no Jailwalking, no diagonnalcrossing, no littering (1000 $ fine ! !), no parking anytime, no minor less 21 years, no, no ……. La matérialisation de la maréchaussée, à partir de nulle part, a quelque chose d’extra-terrestre. De rassurant, aussi ?

Mon Amérique à moi parle beaucoup mieux l’espagnol que l’anglais. Elle travaille 24h/24h, arpente les streets, distribue des plaques au blackjack, cuit des pizzas approximatives servies sans vin, accueille les retardataires dans les motels, conduit les Big Blue Bus, distribue des médicaments au milieu de la nuit et des journaux gratuits à l’aube, fait couler du café au robinet ou des expressos improbables au fond de mugs en carton gigantesques, choisit des Play-list miraculeuses sur des Juke-box ultramodernes.

Dans mon Amérique à moi, c’est tout le temps les Noces de CANA où du mauvais café remplacerait le bon vin. Les cafetières ne sont jamais vides. Elles ont dû découvrir le secret de la transmutation de l’eau en café …

Mon Amérique à moi a la forme d’un oeuf tout blanc , n’a pas le droit de rouler à plus de 65 MPH et contient la dernière demi-douzaine d’œufs sur terre . Elle déborde des ronflements de LOL, des crounch-crounch d’Anais qui grignote, des clics de Yap qui photographie, des conseils circulatoires de Wam, des exclamations jubilatoires de MOM et des silences paisibles du King.

Mon Amérique à moi est à la fois lointaine et proche. Elle se fiche comme d’une guigne des miles et du Pôle Nord. Elle est au bout des touches de mon clavier mais il faut 11H30 pour l’embrasser (quoiqu’il suffise de 9H30 pour la quitter – serait-elle susceptible ?).
Mon Amérique à moi a le visage d’Emmanuelle avec ses cheveux courts de Nouvel Ange et résonne des rires de la Tribu qui l’a arpentée avec moi .
Mon Amérique à moi est certainement semblable à celle de milliers d’autres . Et en même temps , chacun de nous la réinvente un peu plus à chaque fois. C’est Notre Amérique à chacun - personnelle et universelle.