le Samedi

Los Angeles, 249e jour...

le Samedi, je dois être à l'Ecole à la même heure que tous les autres jours. Mais ce jour-là, il y a moins d'embouteillages, et je prends le droit d'arriver en retard. Alors je paresse un peu au lit, pour une fois Trev est levé et au travail avant moi, je chausse mes lentilles, je vais faire mon café (j'ouvre au passage mon ordinateur, mais, désireuse de ne pas ressembler à cette héroïne de roman contemporain qui s'en inquiète, je ne consulte délibérément pas mes e-mails AVANT le café, malgré l'envie qui me démange). C'est le jour où je n'ouvre pas le robinet d'eau chaude aussitôt désaveuglée. Armée de mon mug de café, je toque chez Trev pour le saluer d'un bonjour, d'un hey ou d'un grognement, et pour me plaindre de la répétition de théâtre qui me prive d'une matinée ploum ploum avec le pack ptit dej littéraire/politique/ philosophique en sa compagnie. Il en rigole doucement, prétend compatir, et tourne une page du livre autour duquel il écrit son extended paper (en l'occurrence, La Lenteur, de Kundera).

Le ciel étant suffisamment éloquent depuis l'heure où blanchit la campagne, la consultation de weather.com apparaît superflue, et je vais directement à la case double check d'e-mail, où m'attend un paragraphe à corriger pour Jen (même extended paper). Cependant, je mets en route MSN, pour constater: 1/ que les valeurs sures restent des valeurs sures (mon petit renard favori) 2/ que décidément je n'ai plus de parents.

Vient l'heure de l'eau chaude, puis l'heure de s'y tremper, brièvement, car je crois savoir qu'une deuxième douche suivra, puis l'heure des adieux déchirants avec mon frérounet, car malgré la licence que je me donne, je soupçonne bien que je vais mettre un bon quart d'heure à me garer à Westwood, ou sinon, du moins, à marcher depuis ma place jusqu'au bâtiment où ont lieu les répétitions. Je laisse donc Siguenza entre les mains de Trev, qui a la flemme de connecter son portable. Libre à lui d'essayer de lire mon journal, de toute façon Word ne marche plus, gnyark.

pantalon rouge léger brésilien, débardeur L.A., California, tongs vert pomme, sourire aux lèvres et sac de sport à l'épaule, je me dirige vers Silver, inondée de soleil: euphorie de la senteur des roses et des gazons, et petit haut le coeur lorsque je me place sur le velours bouillant du siège. Ouverture de la fenêtre par petits moulinets poussifs, j'avance le siège, clef en main, je démarre, la radio se manifeste, calée sur 88.1 (la fréquence jazz que programme systématiquement Trev lorsqu'il est au volant) et je la monte à 95.5 à l'occasion du premier stop, tout en amorçant mon virage à droite. Après un virage à droite sur la 20e, sans histoire, petit frisson de succédané d'action avec le virage à gauche sur Wilshire, to be continued lorsque, en atteignant les parages du VA, la limitation de vitesse gagne 5mph (mpheu). A la pub, décevante, succèdent heureusement les Doors, the BAck door man. Je tente Strathmore en escaladant Weyburn Terrace, et trouve deux ou trois places à l'intersection de Landfair et Strathmore, en face de chez Nico et Pierre. Au coin de la rue, Taylor, aka Iphigénie, me hèle sur son scooter pour me proposer un "ride", et nous nous envolons bientôt dans les arbres d'été et la lumière luxuriante pour la parking structure n°4, puis Royce 236, salle de séminaire de Francais.
Je ne me soucie guère de la limite de 2h imposée à mon parking dans la rue, mais m'en servirai comme excuse pour partir de la répétition avant la toute fin (et le rangement): mais j'ai capoeira, après tout!

La pièce avance; pas toujours convaincant, les changements sont hésitants, la pièce n'est pas la meilleure de la littérature française, mais les étudiants ont fourni un travail incroyable, rien que si l'on considère l'apprentissage du texte, en Français. J'essaie de me rendre utile, mais finalement, je suis là en initiation des problèmes de mise en scène, et comme la plupart des étudiants impliqués suivent déjà des cours de théâtre, je reçois sans conteste une leçon.
Nous commençons la répétition en écoutant des disques de musique française apportés par Laurence, moment agréable de cueillette dans la pile. Je découvre Biolay, Katerine... Je parle des Vieilles Charrues, où a été Laurence l'année avec Noir Désir, et nous communions au son de Sombre héros de l'amer, et je rêve d'y aller, peut être l'année prochaine, et peut être avec mes francophiles amis américains, qui sait?
La répétition s'éternise du côté de 12h30 et il est temps de courir à la capoeira; une sorte de Pow Wow Native Indians a lieu sur le stade que je longe pour rejoindre mon Béhémoth de voiture. Non amendée, toujours plus bouillante, je la lance sur les chapeaux de roue, direction le Café Danssa sur Pico et Sawtelle. Je suis un peu en retard, arrivant au beau milieu de l'échauffement; à vrai dire, la traversée de West L.A m'a suffisamment échauffée à mon goût, et la soif se fait cruellement sentir. Leçon peu convaincante de Capoeira, au moins aussi pitoyable que la partie de billard de la veille. Comme dirait Dieter, il vaut mieux laisser la "self esteem" sur le seuil. Le prof est un ange de patience avec moi lorsqu'il essaie de me démêler les pinceaux entre ma droite et ma gauche (n'oublions pas non plus qu'il ne me parle pas ma langue natale, et je soupçonne que ce n'est pas la sienne non plus_il est d'origine? Japonais).
Après quelques figures en lignes, nous achevons le cours par le "combat", sorte de spectacle où les participants, en cercle, suivent (du moins à notre niveau), une chorégraphie où l'on est successivement, suivant sa place dans le cercle, en défense ou en attaque. Deux "guerriers" côte à côte dans le cercle le pénètrent, face à face, par une roue; l'un esquive, l'autre botte. Depuis le début de l'heure, la musique joue, et infuse son rythme dans nos mouvements de "chinga" (le jeu de pieds élémentaire), devenus mécaniques, mais souples (dans le meilleur des cas).
Je ne me débrouille pas si mal au combat, relativement à la faiblesse de mes performances pendant ce cours. Zara, la jeune femme du département qui m'a fait connaître le cours, arrive à 14h pour le cours avancé, nous nous saluons, et je m'empresse de boire, et de filer, après ce qui est s'est avéré être, aujourd'hui, vu la chaleur, une épreuve.
Toute transpirante, je décide de mettre à éxécution mon plan pour l'après midi: check out une boutique on Main où ils vendent un sympa Tshirt arborant l'icone d'une tournée de Yes, que j'avais repéré vendredi soir en allant happy hour en amoureuse avec jen à la Library alehouse. Je trouve même une place de parking à 75 cts l'heure dans un public parking à deux pas de la dite boutique et de la plage: en un jour pareil, c'est une chance sans égale. J'égrène 4 quarters, file à la boutique, où je me rends compte que le dit Tshirt est à 40 dol et un encore plus cool de Pink Floyd à 98$, fait la moue, en ressort, passe à l'Emmaus qui le jouxte, où je me venge en y achetant une ceinture camaieu bleu type sangle, un petit sac double face jute/madras really chouX, et trois K7 pour mon autoradio (Peter Gabriel, Brahms, BOwie dans Pierre et le Loup) pour même pas 6 bucks, na! et je file vers la geupla.
Le sable est brûlant, je suis en sueur, de capoeira et de soleil de mai. Je me change sous mon paréo, et file dans l'eau, qui, heureuse surprise, est chaude. Hautes vagues, qui me rappellent la séance de surf du dimanche précédent. Il est difficile de nager, et l'eau n'est guère avenante, mais cela n'altère en rien mon plaisir: c'est tout simplement délicieux. Je m'enssale avec volupté, plongeant dans le creux ou à la crête des vagues, cette eau un peu brune, un peu trop écumeuse, algueuse est pourtant l'élément parfait en cet après midi. Lorsque je m'en fatigue, pourtant, euphorique, je m'étends sur mon paréo, la tête pleine du frou frou visuel et auditif des déferlements, et bientôt l'enthousiasme de "Mes souliers sont rouges".
Temps de rentrer. Frustrrrration du radiocassette qui refuse de lire mes K7: c'est un duel d'antiquités auquel j'assiste. A la maison, sur le fauteuil angle carré où je le trouve, Trev a avancé dans son paper, je pourrai le relire le lendemain, sans doute. C'est l'heure du Frappuccino avec glaçons, de la pause canapé, de la discussion de mi aprèsm, de la Pause, quoi. Entrecoupée d'attaques d'élastiques à cheveux, d'un massage, de l'art du roman, d'une leçon de postcolonialisme et de dichotomie en général (genres, races, développements, colonisations). Tout cela fort typique de ce clone binômal de Bordelière (cette semaine, nous avons beaucoup reçu le groupe grad student de 2e année, Jen qui se sépare de son "significant other" et Molly, un peu stressed out).
Lorsque Trev se remet, avec difficulté, au travail, je décide de m'occuper de l'extended de jen, histoire de ne pas trop penser à mes dilemmes du moment pour cet été. D'ailleurs, je reçois un coup de fil du Loup, c'est à dire de Jen, ne vous méprenez pas, et elle décide de venir me faire à diner pour me remercier. Me voilà munie d'un plan de Saturday night fever, pour ne point trop pâlir de jalousie devant mon colloc qui, lui, sort la copine d'un ami (qui ne peut faire cavalier ce soir-là). C'est à ce moment là que, peu désireuse de me remettre à la description de tortures raffinées style ancien régime dans "Surveiller et Punir" ou à des Leçons d'Histoire analytique et marxiste comparées par Aron, je décide de décrire cette typique et parfaite journée d'un samedi de presque été. Entre temps, Trev s'est avachi sur le canapé, victorieux d'une idée brillante pour conclure sa 2e partie (et, étant donné qu'il semble avoir adopté un plan en trois parties, cela semble prendre le même fameux ton fatigué, humble mais heureux que lorsque je descendais prendre le café à la maison vers 5h le week end, l'air victorieux).
Sur ces entrefaites, arrive Jen, armée de fraises, de cookies, de vin blanc ET rouge et d'une pizza avce oignons caramélisés... et champignons. eh oui. Mais bon, c'ets l'intention qui compte, et le propre d'une phobie, c'est qu'on évite d'en parler de peur des câuchemards... Mais peu z importe, et nous bavassons comme la veille avec Jen (notamment à propos du Dieter Meter, càd la sortie billards à laquelle m'a déposée Jen en voiture, en partant de chez moi....19e rue...)tandis que Trev, se souvenant que je n'aime pas le jus de pamplemousse, en profite pour le boire directement au carton.
En attendant Josh, le copain de la copine, il dine avec nous, finit par accepter du vin, et pour la 3e fois de la semaine, record, nous prenons un repas sur la fameuse table Ikéa achetée après qqs tractations et une portière ouverte sur l'autoroute qqpart en décembre dernier (il y a si peu, et si longtemps).
Après le départ de Trev et surtout quelques blagues de Josh (le bufu, l'écolier, l'automobiliste saoul et la femme flic), nous explorons mes repertoires d'images avec Jen pour lui illustrer mes histoires racontées précédemment, et pour écouter de la teuf musique comme on n'écoute seulement en France même si elle est faite en Angleterre et aux Etats Unis.
Mais Jen doit partir tôt, pour cause de mariage indien dans un ranch à Carmel demain matin, et néanmoins ce n'est pas sans allégresse que je finis ce blog au son de "Belle Ile en Mer", en sirotant le Monkey Bay Sauvignon Blanc de Nouvelle Zélande, avant de regarder "Roman Holliday".
It seems that I do have a life isnt it? d'où le dilemme: poursuite estivale d'un train train bientôt rendu exotique par le retour à la terre natale, la Métropole; ou bien errances et aventures, et retours?