Drôle de Quartier

comme des orangers, les instruments de torture s'alignent dans une salle moite aérée de force, dans un jour artificiel; des rouleaux, chaines de montages pour les muscles de nos cuisses; alignement des télévisions, alignement des jambes, des bras, des oreilles tendues sur des écouteurs d'iPod, tous lisses, et blancs, ou a coques de couleur. Et moi qui n'en reviens toujours pas de soulever tour a tour, jambe droite, jambe gauche, et d'accélerer le rythme, les yeux fixés sur mes compteurs (miles, rythme cardiaque), je cours; je suis en train de courir; et je ne suis que ça; qu'être d'autre dans cette folie, dans ce Brazil irréel? je cours 15mn, je cours 30mn, a 6 miles a l'heure. a la fin, je presse le stop, mais meme une fois descendue de la machine, mes jambes courent toujours. mal de terre. Je pourrais courir encore. et le pire, après ce simple sport de poulets en batterie, c'est que l'effet en soit si bon. sauna, douche chaude et froide. sensations délicieuses d'un corps qu'on sous estimait, qu'on avait oublié. et ce n'est pas la beauté qui vous a transpercé dans votre course, qui vous a donnée des ailes, ce n'est pas l'air vivifiant qui vous a poussé dehors. d'ailleurs vous etes dedans, et on ne peut guère plus dedans. au contraire la laideur, la glauquitude de l'endroit vous ont poussé au dedans, mais dans un dedans épidermique, comme ces insectes dont le squelette est la carapace, dans une inconscience de jambes et d'eau odorante qui ruisselle de vous (et depuis combien de temps n'avez vous pas eu une telle odeur!) sur toute la surface d'une peau qui en sortira ainsi purifiée. et puis, ne gachant rien, les petites heures dans une maison qui n'est pas la votre mais où le temps passe comme il passe chez soi; de la pate a crepes, qui traine et vous tend les bras, du sucre aux crèpes, de l'huile aux tomates, de l'eau au café.